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Plainte de KOUKOU Editions contre la Commission de censure

La Justice s’incline devant un « rapport secret » de la police politique

 

 

 

« L’activité des publications ne peut être interdite qu’en vertu d’une décision de justice. ».

Article 54 de la Constitution.

 

 

     Pour la 3e année consécutive, KOUKOU Editions est exclue du Salon International du Livre d’Alger (SILA, du 29 octobre au 8 novembre 2025) sans motif légal. Après 18 mois d’une procédure singulière, notre plainte pour « Atteinte aux libertés, abus et usurpation de fonctions » déposée contre le président de la Commission de censure et le Commissaire du SILA, vient de connaitre son épilogue devant la Chambre d’accusation de la Cour d’Alger, qui a confirmé l’ordonnance de non-lieu du juge d’instruction.

Par cette décision, l’appareil judiciaire refuse le renvoi de l’affaire devant le tribunal correctionnel pour un procès public, même si l’instruction a révélé des pratiques occultes, en violation des lois de la République, notamment de la Constitution qui proclame dans son article 54 : « l’activité des publications ne peut être interdite qu’en vertu d’une décision de justice ».

Lors de mon audition, le 13 mars 2025, le juge d’instruction avait voulu circonscrire l’affaire dans un « préjudice matériel subi par une entreprise » qui relèverait de la compétence du tribunal administratif. Dans ma déclaration, enregistrée sur procès-verbal, j’ai recentré le problème sur le « préjudice moral infligé à des dizaines d’auteurs algériens (universitaires, médecins, avocats, journalistes, officiers de l’ALN…) exclus du SILA et empêchés d’aller à la rencontre de leurs lecteurs, alors que le ‘’Manuel du parfait salafiste’’ d’un auteur saoudien, ‘’Mein Kampf’’ de Hitler, les ‘’Mémoires de Mussolini’’ et le dernier livre d’Eric Zemmour avaient les honneurs, en octobre 2023, d’une manifestation officielle.

     Entendu à son tour le 1er juillet 2025 par le magistrat, le président de la Commission de censure, M. Tidjani Tama, a révélé que les mesures punitives prises contre KOUKOU Editions ont été ordonnées par la ministre de la Culture, Mme Soraya Mouloudji, suite à un « rapport secret des services de sécurité », qui accusent « les publications de cette maison d’édition d’être destructrices » et de « porter atteinte à l’image de l’Algérie » !

Cette unique pièce à conviction qui a déclenché la forfaiture, le juge, qui devait instruire à charge et à décharge, n’a pas jugé utile d’en vérifier l’existence pour la verser au dossier, encore moins d’entendre la ministre, pourtant gravement mise en cause par son subordonné. Il n’a pas jugé opportun non plus de nous accorder le droit de répliquer à ces allégations calomnieuses, citer nos témoins, et formaliser la constitution de nouvelles parties civiles parmi les auteurs de KOUKOU Editions qui en avaient émis le souhait.

Au-delà des arguties juridiques qui tentent d’enrober l’arbitraire dans un semblant de légalité, l’affaire se résume à une lettre de cachet de la police politique, exécutée par un membre du gouvernement, et entérinée par des magistrats, dont les prérogatives constitutionnelles ont été pourtant bafouées.

     KOUKOU est une maison d’édition de droit algérien. ‘’Spécialisée dans l’essai politique, le témoignage historique et le document d’actualité’’, elle active dans la légalité depuis deux décennies. Ses publications ont souvent cristallisé des débats vifs, mais elles n’ont jamais donné lieu à des incidents, hormis ceux provoqués par les censeurs clandestins, au SILA et dans les librairies. (Voir Annexe ci-dessous).

Malgré les pressions récurrentes des miliciens de la pensée et des patriotes à gages qui ont imposé une idéologie répressive, régressive et sectaire à l’ombre des institutions, KOUKOU Editions refuse d’infléchir sa ligne éditoriale. Par ces temps de revisionnisme décomplexé qui tente de réécrire l’histoire à l’aune de l’actualité, de répression politique qui a paralysé le présent, et de lourdes hypothèques sur l'avenir, elle s’engage à rester un espace de liberté pour les auteurs autonomes, notamment les universitaires éthiques qui n’ont pas renoncé à leur devoir de critique sociale.

     A la veille d’un 1er novembre perverti par le slogan et l’esbroufe, le message libérateur de la Guerre de libération nationale est heurté par les violations récurrentes des principes fondamentaux de l’Etat de droit. Dans cette séquence décisive pour l’avenir, les discours triomphalistes ampoulés ne peuvent plus occulter les intolérables pratiques de l’ombre qui ont fait trop de mal au pays.

     Il est temps de restaurer la hiérarchie des normes juridiques, notamment la primauté de la Constitution sur les ‘’rapports secrets’’ et les lettres de cachet.

    Il est grand temps de mettre un terme aux manœuvres clandestines de groupuscules extrémistes qui ont pris les institutions en otage.  

 

Alger, le 28 octobre 2025.

Arezki AÏT-LARBI

Directeur de KOUKOU Editions,

Journaliste free-lance.

 

Annexe : chronologie des provocations contre KOUKOU Editions

 

- SILA, octobre 2016 : le stand de KOUKOU Editions est saccagé la veille de l’inauguration officielle ; deux cartons de livres du défunt Ali Koudil, ancien PDG de la CNAN, ont été dérobés. Témoignage inédit sur l’univers carcérale en Algérie, ‘’Naufrage judiciaire’’ est un récit poignant sur sa détention durant huit longues années avant d’être acquitté. Le Commissaire du SILA avait reconnu le préjudice, et présenté ses excuses en proposant un dédommagement avec un chèque de 80.000,00 DA.

- SILA, octobre 2018 : des membres de la Commission de censure se sont présentés au stand de KOUKOU pour saisir l’ouvrage : « Les derniers jours de Muhammed » de l’universitaire tunisienne Hela Ouardi. Sans décision de justice ni notification officielle, nous les avons empêchés de pénétrer dans le stand.

- SILA, mars 2022 : des douaniers (!) se sont présentés au stand de KOUKOU Editions avec la liste d’une vingtaine d’ouvrages « interdits », sans décision de justice, ni notification écrite.  Devant notre insistance pour avoir un document officiel, l’officier des douanes a promis d’en « référer à qui de droit ». Par souci d’apaisement, nous avons accepté de retirer temporairement ces livres, en attendant la notification écrite, dans un délai raisonnable. N’ayant rien reçu au bout de 4 jours, nous avons décidé de les remettre sur les présentoirs, en annonçant cette action par un communiqué de presse. Point commun entre la plupart des ouvrages blacklistés par la Commission de censure, des figures patriotiques connues illustrent leurs couvertures : Djamila Bouhired, Hocine Aït Ahmed, Abdelhafidh Yaha, Abdennour Ali-Yahia, Mohamed Khider…

- SILA, 2023 : KOUKOU Editions est exclue du SILA pour « non-respect du règlement intérieur », sans décision de justice ni précision sur les actes qui auraient dicté cette mesure.

A Alger, l’ANEP, propriétaire de la librairie Chaïb Dzair située à l’Avenue Pasteur, retire de la vente les publications de KOUKOU Editions, et refuse d’honorer ses créances qui remontent à 2022.

- Bougie, 22 mai 2024 : Le directeur du… Commerce de la wilaya de Bgayet saisit, contre remise d’un procès-verbal, le livre de Héla Ouardi ‘’Les derniers jours de Muhammed’’. Motif : « pas conforme aux enseignements du Prophète » et « propage des idées empoisonnées » !

- 29 juin 2024 : Toujours à Bgayet, la police intervient brutalement à l’intérieur de la librairie Gouraya pour arrêter la présentation d’un livre, avant d’interpeller l’auteure, son éditeur, le libraire ainsi que toutes les personnes présentes. Le livre, « La Kabylie en partage » de Dominique Martre qui raconte les souvenirs d’une enseignante française dans un collège de Kabylie dans les années 70, a été pourtant présenté l’avant-veille dans une librairie d’Alger-centre, sans incident.

- Ath Ouacif (Tizi Ouzou), octobre 2024, le ministère de la Culture conditionne l’autorisation du Salon livre amazigh par l’exclusion de KOUKOU Editions et de ses auteurs. Parmi eux : Tassadit Yacine, Mouloud Mammeri, Salem Chaker, Ahmed Bachir, Farida Aït Ferroukh et Aomar Oulamara qui ont consacré leur vie à la défense et à la promotion de la langue et de la culture amazighes, et Mohamed Harbi, qui a pris sa retraite politique à l’âge de 90 par la traduction de ses mémoires dans cette langue. Pour ne pas cautionner l’arbitraire, les organisateurs décident de reporter la manifestation en raison de ‘’contraintes administratives’’.

- Alger, octobre 2025 : Pour la 3e année consécutive, KOUKOU Editions est exclu du SILA et de tous les salons du livre organisés sous l’égide du ministère de la Culture. 

Les miliciens de la pensée en action

KOUKOU Editions exclu du Sila 2024

Après une série d’interdictions arbitraires, KOUKOU Editions est, une nouvelle fois, exclu du Sila, sans motif légal. Notre plainte pour ‘’abus de fonction, attentat à la liberté, et empiètement sur les prérogatives du pouvoir judiciaire’’ contre le président de la Commission de censure du ministère de la Culture qui a ordonné cette forfaiture, et le commissaire du Sila qui l’a exécutée, vient d’être rejetée par le juge d’instruction du tribunal d’Hussein Dey. Son ‘’refus d’ouvrir une information judiciaire’’ a été notifié à l’un de nos avocats par SMS ! En décidant de faire appel de cette décision devant la chambre d’accusation de la Cour d’Alger, KOUKOU Editions est déterminé à aller jusqu’au bout de la procédure, même si l’issue en est incertaine.

Malgré le secret qui entoure ces opérations, le groupuscule extrémiste qui a pris en otage le ministère de la Culture commence à tomber le masque et révéler les leviers idéologiques qui l’animent. Chef officiel de cette secte, M. Tidjani Tama, directeur du Livre et président de la Commission de censure, est un personnage bien singulier. Militant communiste par accident à la fin des années 80, islamiste par opportunisme dans les années 90, sa fascination pour les idéologies totalitaires est devenue une feuille de route qui va transformer une institution culturelle respectable, en Kommandantur chargée de contrôler les lectures des Algériens à l’aune de ses fantasmes.

Le palmarès du préposé à l’inquisition est déjà très lourd. Au Sila, la propagande wahabite outrageusement subventionnées par les pays du Golfe occupe une grande partie des stands. ‘’Mein Kampf’’ d’Hitler et les ‘’Mémoires’’ de Mussolini traduits vers l’arabe par un éditeur égyptien y sont exposés depuis 2016, et leurs auteurs présentés comme des ‘’modèles de réussite sociale’’. Au moment où Eric Zemmour, leader d’extrême droite condamné par la justice française pour ‘’provocation à la haine raciale'’, était à Tel Aviv pour encourager l’armée israélienne dans son génocide contre le peuple palestinien, son dernier livre était à l’honneur lors du Sila 2023.

Cette bienveillance de la Commission de censure pour des auteurs controversés, contraste avec le harcèlement qui cible KOUKOU Editions. Objectif : bâillonner les auteurs progressistes, notamment algériens – universitaires, écrivains, moudjahidine, avocats, médecins, journalistes … – qui n’ont pas renoncé à leur devoir de critique sociale et de réflexion autonome.

Depuis quelques mois, la répression contre les publications de KOUKOU Editions tend à se généraliser pour prendre une allure inquiétante. A Bougie, la police est intervenue, le 29 juin dernier dans la librairie Gouraya, pour interrompre brutalement la présentation d’un livre. Quelques jours plus tôt, c’est le directeur … du Commerce (!) qui avait saisi plusieurs exemplaires d’un autre livre jugé ‘’non conforme aux enseignements de notre religion’,’ car il propagerait ‘’des idées empoisonnées’’ ! A sa décharge, le taliban de poche a assumé l’ignominie en délivrant un procès-verbal qui atteste la forfaiture.

L’article 54 de la Constitution est pourtant clair : ‘’L’activité des publications (…) ne peut être interdite qu’en vertu d’une décision de justice’’. Face à ces violations récurrentes de la loi fondamentale, les autorités concernées, notamment les ministres de la Culture, de l’Intérieur et de la Justice, dont la responsabilité politique est engagée en première ligne, ne peuvent se complaire dans une indifférence complice. S’il s’agit d’actes isolés de nervis incontrôlés, il est grand temps d’y mettre un terme par un rappel à l’ordre républicain et au respect de la Constitution. S’il s’agit d’une nouvelle inflexion autoritaire et obscurantiste qui fait fi de la légalité pour piétiner les droits et les libertés des citoyens, il faut désormais l’assumer sans faux-fuyants. 

Dans ce clair-obscur propice à tous les dérapages, KOUKOU Editions ne se laissera pas intimider par les miliciens de la pensée, et continuera d’opposer la force du droit à l’arbitraire des sectes en cagoule. 

Alger, le 6 novembre 2024

Arezki AIT LARBI

Directeur de KOUKOU Editions

KOUKOU Editions exclu du SILA 2023 !

Communiqué de presse

 

Les cagoulards de la censure ont encore frappé ! Le commissariat du Salon international du livre d'Alger (SILA) nous a notifié, par courrier électronique, l'exclusion de KOUKOU Editions de la manifestation prévue du 25 octobre au 4 novembre 2023. Motif invoqué : "dépassements constatés dans les publications contraires au règlement du SILA et que vous exposez sur votre stand", sans plus de précisions.

Depuis notre première participation à ce salon, en 2011, les seuls "dépassements" constatés sur notre stand ont été largement relatés par la presse :

En 2016 : notre stand a été saccagé durant la nuit précédant l'inauguration officielle, et des cartons de livres ont été dérobés. Après avoir constaté les dégâts, le Commissaire du Sila a présenté ses excuses et dédommagé KOUKOU Editions.

En 2018 : des individus se présentant comme "membres de la commission de lecture" ont tenté de saisir deux ouvrages ; sans décision de justice ni notification écrite, nous nous sommes opposés à ce coup de force en invoquant la loi, qui réserve le pouvoir de censure à la seule autorité judiciaire.

En 2022 : agissant sur "ordres supérieurs", un officier des douanes (?!) accompagné de plusieurs agents nous a notifié - verbalement - l'interdiction de 12 ouvrages, dont la plupart étaient pourtant exposés au SILA et vendus en librairie depuis plusieurs années. Par souci d'apaisement, nous avons accepté de retirer ces ouvrages du stand, en attendant une notification écrite, que l'officier s'était engagé à demander "aux responsables concernés". Après quatre jours d'attente, et n'ayant reçu aucun document officiel, nous avons décidé de remettre les livres litigieux sur le stand, et dénoncer par voie de presse ce qui s'apparente à une opération clandestine.

Pour cette année, les censeurs de l'ombre n'ont pas fait dans le détail. Un fonctionnaire du ministère de la Culture nous a informé que la décision d'exclure KOUKOU Editions émanait de la "Commission de lecture" chargée de contrôler les ouvrages proposés au public. Si la composition de cette commission relève du secret d'Etat, son triste palmarès est déjà très lourd. Assurés de l'impunité que confère l'anonymat, ses membres ont fini par révéler les éructations idéologiques qui ont motivé leurs pitoyables Fatwas. Des livres universellement controversés ont bénéficié d'une troublante tolérance ; comme "Mein Kampf" d'Adolf Hitler et les "Mémoires de Mussolini" publiés par un éditeur égyptien en langue arabe, qui occupent une place privilégiée au SILA depuis 2016.

Oscillant entre le sinistre et le grotesque, cette police de l'esprit avait interdit, en 2017, une biographie de Malcolm X, le leader noir américain pour les droits civiques, au motif qu'il s'agirait… d'un "livre pornographique" !

Alors que des auteurs salafistes qui prêchent l'intolérance, le racisme, la misogynie et la haine sont célébrés comme des références idéologiques à promouvoir, alors que des monstres du XXe siècle, coupables de crimes contre l'humanité, sont érigés en modèles de la pensée et de l'action politiques, des dizaines d'auteurs algériens parmi les plus respectés (écrivains, professeurs des universités, chercheurs, avocats, médecins, journalistes…) sont arbitrairement bannis du Sila. Dans ce climat d'inquisition, les forces liberticides qui ont investi l'appareil d'Etat à la faveur de la contre-révolution qui a brisé l'élan démocratique du Hirak ne s'encombrent plus de respect, même formel, de la légalité. Pourtant, l'article 54 de la Constitution est clair : "L'activité des publications ne peut être interdite qu'en vertu d'une décision de justice". En excluant KOUKOU Editions du SILA, et en interdisant ses livres en violation des procédures légales, les cagoulards du ministère de la Culture ont piétiné la loi fondamentale et usurpé les prérogatives de l'autorité judiciaire. 

Face à ces dérives récurrentes, la responsabilité du gouvernement est engagée : faire respecter la légalité en rappelant à l'ordre ses agents hors-la-loi, ou assumer l'opprobre que leurs fantasmes idéologiques ne manqueront d'engendrer.

Parce-que l'arbitraire se nourrit du silence résigné de ses victimes, nous sommes déterminés à user de tous les moyens légaux pour faire valoir nos droits d'éditeur et protéger nos libertés de citoyen.

 

Alger, le 23 OCTOBRE 2023

Arezki AIT-LARBI

 Directeur de KOUKOU Editions.

Tel : + 213 661 50 69 22

Site web : www. koukou-editions.com

 Facebook : https://www.facebook.com/koukou.editions

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Recension de Libertés, Dignité, Algérianité dans El Watan

  • Photo du rédacteur: Koukou Éditions
    Koukou Éditions
  • 20 janv. 2020
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 15 avr. 2021


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Nous republions intégralement une recension de l'ouvrage Libertés, Dignité, Algérianité, du Pr. Mohamed Mebtoul, parue dans El Watan.


L’ouvrage Libertés, Dignité, Algérianité est un aboutissement majeur dans la trajectoire du professeur Mohamed Mebtoul. Ceux qui auront le bonheur de lire ce livre décapant constateront que depuis le début du mouvement du 22 février et au fil des vendredis, tout est soumis à la moulinette de l’anthropologue.


Du port du drapeau aux significations des mots d’ordre, en passant par les inquiétudes, les polémiques ou les interrogations, rien n’est laissé de côté.


En homme de terrain qu’il a toujours été, l’anthropologue Mohamed Mebtoul fait le plein de matériaux, chaque vendredi et chaque mardi, depuis le 22 février 2019 jusqu’au 2 septembre, date de la signature du manuscrit précédé par la dernière phrase de l’épilogue. «Le désir de libertés, de dignité et d’algérianité au cœur des pratiques sociales de la majorité des manifestants représente l’espérance pour construire la citoyenneté.»


Comme on peut le constater, cette belle chute reprend le titre de l’ouvrage qui se répartit en quatre parties bien équilibrées :


1– Avant le hirak : Incivisme et violence du politique (falsification de l’histoire, de la violence du politique, le pouvoir des uns et la marginalité des autres…)

2– Pendant le hirak : Désir de dignité, de liberté et de citoyenneté : (Lire le mouvement social par le bas, les significations du système dégage, quête de liberté dans l’espace public, émergence de la citoyenneté…)

3– Créativité, humour et détermination des jeunes (La maturité politique des jeunes stigmatisés, la symbolique du drapeau, un patrimoine politique créé par les jeunes…)

4– Les multiples détournements du pouvoir. (De la démission de Bouteflika à la répression comme une modalité du pouvoir, impasse politique : la défiance du pouvoir, de l’assignation à la quête d’une émancipation politique…)


Ainsi, au-delà de son caractère éminemment sociopolitique, le mouvement citoyen algérien s’impose, dans sa multidimensionnalité, comme un objet de connaissance. Pour cela, l’auteur nous conduit dans de grandes directions : le mouvement populaire du 22 février 2019 offre au monde l’un des contrastes les plus saisissants de l’Histoire. Ouvertement radical et fermement pacifique, il suscite enthousiasme, admiration et interrogations à travers le monde entier.


A un grand nombre de ces interrogations, l’ouvrage apporte des éléments de réponses étayées, fouillées, élaborées et surtout clairement formulées. Nous assistons à un «sursaut de dignité d’un peuple méprisé, réprimé, assigné à la marge…», comme le précise l’auteur qui consigne, semaine après semaine, les vibrations et les pulsations d’une société entière. Une société, à présent, affranchie des terreurs des appareils d’Etat, tant idéologiques que répressives, qui n’ont plus de prise sur la conscience collective, selon l’auteur. Il ressort de ses observations soutenues que les citoyens algériens manifestent ensemble dans une société où tout est fait pour les cloisonner, les museler, les diviser sur la question des croyances, du genre, de l’âge et de la stratification sociale.


L’ouvrage montre que nous nous trouvons devant le résultat ou l’aboutissement d’une longue et lente maturation sociétale qui prend ses racines dans la profondeur de la société algérienne, comme le démontre magistralement le professeur Mebtoul dans la première partie intitulée «Avant le hirak».

Revenant sur des repères et des balises historiques, sociologiques et anthropologiques comme le moteur de ce processus. Il nous décrit minutieusement une société qui attend depuis plusieurs décennies une issue à ses multiples espérances. Et c’est pour cela que nous sommes, depuis le 22 février 2019, face à une responsabilité collective multiforme, comme il le souligne.


La division des tâches dans ce mouvement citoyen, l’organisation de débats, la poursuite de la réflexion et la mise en place de mesures urgentes émanant des collectifs et des groupes de réflexion sont plus que diversifiées et gagnent en maturité. (La deuxième partie, «Désir de dignité, de liberté et de citoyenneté»).


L’ouvrage explore, avec patience, constance et persévérance trois grandes orientations :


1- Que dans la «la Révolution du sourire» la prégnance du politique fait suite à un mûrissement des mouvements sociaux qui ont capitalisé les traditions de lutte passées, syndicales ou autres, tout en intégrant les éléments qui font partie des avancées sociales telles que l’élévation du niveau d’instruction, l’amélioration du niveau de vie, ou encore le recours aux réseaux de communication.


2- Que ce mouvements citoyen du 22 février est donc, fondamentalement, le signe d’une élévation de la conscience sociétale, formulant de nouvelles exigences, articulant ou conjuguant le sociétal au politique sur fond d’attente ou d’espoir de construction d’une citoyenneté dans un Etat débarrassé d’une tutelle asphyxiante, suffocante et paralysante.


3- En décortiquant les mots d’ordre et les chansons sorties des stades, l’auteur montre que la dimension festive, qui est également prégnante dans les marches hebdomadaires, s’inscrit en faux sur toute velléité catastrophiste. Elle agit, au contraire, comme antidote à la violence. En exprimant jovialement de véritables attentes.


Ces attentes multiformes que l’auteur entreprend de lire, de déchiffrer, de décrypter, vendredi après vendredi en vue de les analyser afin de les comprendre. Un vigoureux travail de terrain que mène le professeur Mohamed Mebtoul en sa qualité d’anthropologue attentif, doublé d’un observateur averti du mouvement citoyen, porteur d’un horizon prometteur.

Par Rabeh Sebaa


 
 
 

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